Les mots qui coulent de source :

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Enfant, lorsque j’ai découvert que Victor Hugo était un écrivain démiurge, un créateur de mots, un orfèvre de la pensée, je me suis senti très proche de lui, j’ai senti en lisant « Les Misérables », sa main sur mon épaule m’accompagner dans la vie. Deux épisodes de ce roman m’ont ravi : « Kékséksa? » C’est Gavroche qui parle et les mots prennent la saveur de la vie, l’esprit et la matière se confondent comme le sel se dissout dans l’eau. Et puis l’épisode où Marius suit Jean Valjean et sa fille et découvre le galbe de la jambe de Cosette…, grâce à un coup de vent. L’alchimie de l’existence devient la puissance de la création; les mots ne nous appartiennent plus, ils sont la vie même, son essence : ils coulent de source…

Et puis plus tard, j’ai découvert que le grand homme était aussi un géant aux pieds d’argile! Je n’ai pas compris qu’il fasse tourner les tables pour faire revivre sa fille noyée dans un naufrage sur la Seine. Je n’ai pas compris la peine terrible de ce père. Comment, un esprit fort comme Victor Hugo pouvait-il croire aux forces de l’ésotérisme? Quelle honte, quelle infamie! Un homme intelligent pouvait être faible et croire à la sorcellerie, voilà comment j’ai voué mon idole aux gémonies. Je n’ai pas voulu voir la peine profonde d’un père désespéré parce qu’il a perdu son enfant. Je n’ai pas voulu voir que parfois en nous la faiblesse est la plus forte, la douleur, nous emporte, malgré nous….et nous égare!
©Jean-Louis Chassain

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